La Belle Compagnie



Topographies


D'après l'oeuvre de Noëlle Renaude

En résidence


Du 14 au 16 & du 24 au 27 mars


Du 14 au 17 & du 28 au 30 avril


Du 26 au 29 mai



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L'équipe



Jeu : Lise Avignon, Louise Morel, Valentine Porteneuve, Didier Roux

Mise en scène : Didier Roux
Texte : Noëlle Renaude (Ed. THEATRALES, 2008)
Technique : Mathilde Montrignac
Tout public


« Topographie : science qui permet la mesure puis la représentation sur un plan ou une carte des formes ou détails visibles sur le terrain. »


Intentions


Le texte


C'est le titre, et c'est la première chose qui saute aux yeux : ici la topographie est appliquée à la scène de théâtre, ce qui signifie un travail sur le lieu et la page. Ce qui d'ordinaire est de l'ordre de la didascalie est ici transposé sur l'espace de la page­même et sur les mots­mêmes. Il y a des colonnes, des cases, des variations typographiques, tout un jeu entre le texte et la page dans sa matérialité spatiale.

L'accès au texte se fait ainsi d'une manière d'abord ludique, comme l'on regarderait et décrypterait un plan ou un dessin d'enfant. Et le processus de mise à jour des enjeux dramaturgiques nous amène vers une enquête sur le texte et la page dans ce qu'ils ont de plus concrets.

La pièce se compose de quatre parties, quatre « cartes », sans relation directe entre elles : scène chorale d'un dimanche à la campagne ; scène­récit s'ancrant dans la description d'une photo de famille et glissant vers du discours direct des photographiés ; dialogue entre deux que l'on devine anciennement intimes ; quatuor pris dans la paperasse administrative.

Dans la première carte il s'agit d'abord d'espace extérieur, d'occupation et de circulation. Dans la deuxième c'est le passage du temps qui est au centre. Dans la troisième carte il s'agit de la vie intime de l'autre, notamment dans ses aspects quotidiens, et dans la quatrième carte il s'agit de colonne, de norme dont on ne peut sortir, d'éternelle routine étriquée.

L'ensemble est manifestement une comédie : vivacité légère du rythme et typologie des paroles, phrases courtes, quotidiennes, d'une banalité drôlatique. Et même si, derrière ce quotidien, on devine des ombres moins joyeuses : disparition d'un enfant, suicide d'un archiviste, séparation et manque de l'autre, solitude et vieillissement. Des ombres, mais pas de héros, pas de drames (ou du moins pas traités en tant que tels), la question étant d'abord et toujours la banalité touchante des gens « normaux » vivant leur vie de tout et de peu.



Au plateau


D'abord, respecter la typographie de l'écriture. Et par là, convoquer situations et personnages sans encombrement psychologique ou souci de reconstitution réaliste : des personnages sonores, des relations rythmiques. Ce qui est à garder et chérir, c'est bien cette légèreté de l'écriture. Elle est peut­être salvatrice, cette légèreté qui sans être gratuite respire, sans être farce grotesque est poésie éveillée.

Et, se penchant sur le jeu avec l'espace et la forme de la page, chercher quelque chose de la réalité, qui n'est pas à confondre avec l'esthétique réaliste. Il y a une forme de profondeur de la vie qui n'exclue pas la légèreté et qui se trouve justement grâce à ce jeu formel­là donné par Noëlle Renaude.

L'enjeu, en s'appuyant sur l'écriture­même, est de se laisser guider vers une forme qui n'écrasera rien de ce goût de réel sensible, d'une drôlerie qui, si elle nous parle directement, reste complexe et rend compte de la vie et de la parole quotidienne dans son rythme, ses échecs, son insignifiance, tous ses moments non­héroïques.

Ces sentiments moins paroxystiques que dans le grand répertoire théâtral ouvrent sur les notions de tendresse, d'attention, de temps qui passe, et rendent perceptibles la complexité du monde et de ses occupants : relations au sein d'une famille, nuances d'amour, de rivalité, d'ennui, sentiments émergeant au milieu de la paperasse, colère, attachement...

Dans certaines « cartes » du texte, il y a plus d’une dizaine de personnage. Sur scène, pour les incarner tous, il y aura quatre comédiens. Ce qui impliquera dès l’abord transposition, décalage, jeu avec la diversité des situations et des rapports. Puis, tout comme le texte déborde la convention théâtrale, déborder le plateau même, jouer avec le hors­scène, les bords, les marges, le public. Ainsi, donner à voir la représentation, le fait que « ce n'est que du théâtre », du jeu.

En suivant la logique du processus de création, et pour tisser un genre d’homogénéité poétique, nous explorerons ce qui n'est donné qu'en creux par le texte : les espaces de vides, les océans entre les cartes, dans le blanc de la page. L'envie est créer des choralités, et cela même dans les temps dialogués. Les moments à inventer pourront déboucher sur la scène écrite ou en provenir, mais surtout donneront à sentir que l'ensemble est une œuvre chorale. Processions, défilés, fanfares, choeur dansé ou chanté, ce qui va remplir les espaces vides nous donne à percevoir ce texte comme un ensemble d'humanité. De même que nos jours, si morcelés soient­ils !

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Noelle Renaude


Noëlle Renaude est née en 1949 à Boulogne sur Seine dans les Hauts­de­Seine. Elle commence l’écriture à 27 ans après des études en Histoire de l'Art et Esthétique puis en Langues Orientales.

Elle écrit dans un premier temps des bouts de nouvelles et ce qu’elle appelle maintenant de la « régurgitation proustienne », puis s’oriente résolument vers l’écriture théâtrale. Dans une volonté de refuser les modèles préexistants, elle cherche et démonte tous les fondements du théâtre et de l'outil dramatique pour comprendre ce qu’est effectivement une fiction, une situation, un corps en scène, un espace, une durée, une fiction sans situation, une situation sans fiction.

Depuis Rose, la nuit australienne, sa première pièce écrite en 1987, elle est l'auteur d'une vingtaine de pièces dont L'Entre­deux, Divertissements touristiques, Le Renard du Nord, Blanche Aurore Céleste, Petits rôles, Lunes, Les Cendres et les lampions, Le Prunus, A tous ceux qui, Géo et Claudie, Ma Solange, comment t'écrire mon désastre, Neuf petites histoires d'apparitions et de disparitions, Madame Ka...

Au fil de son travail, elle envisage de plus en plus la scène et le théâtre comme lieu de désordre, d’insoumission. Elle essaye d’en repousser les cadres, d’en écarter les bords, d’en chercher les contours. La parole est au centre d’une écriture qui utilise des formes fragmentaires, des pictogrammes, des discontinuités narratives, des jeux de typographies ou de didascalies. Selon elle, c’est cette parole qui doit définir les personnages et non l’inverse. Son écriture inventive et jubilatoire fait se croiser des personnages souvent désemparés, sociaux, pris dans des monologues entrecroisés et des dialogues superposés. Dans ses pièces l’oralité pulse du désordre, le réel a l'air apparemment tout à fait organisé, mais rien n'est stable et tout vacille. « La scène n'est absolument pas un endroit policé, ordonné. »


Signes+Conventionnels


La Belle Compagnie


La Belle Cie trace un chemin de théâtre qui n'hésite pas à emprunter à la danse contemporaine, à la musique, à la performance.

La Belle Cie porte les créations de Didier Roux. A la racine, il y a un désir d'expérimentation de plateau, un envie de répondre par la scène à des préoccupations qui peuvent venir de l'actualité du monde, de pulsion esthétique, d'emportement intime. Le comédien est le pivot de ce théâtre et le travail avec les acteurs privilégie des appuis non psychologiques, mais bien plutôt rythmiques, physiques et architecturaux. Le propos est la mise en jeu d’un corps « global » capable de partager du sensible ; l'enjeu est une mise au travail de l'espace et du temps. La Belle Cie cherche tout à la fois à parler le monde et à parler son monde. Cette préoccupation l'a souvent éloignée du répertoire purement théâtral et conduite vers les zones de la poésie sonore et de la performance. Sur la scène, souvent peu de choses et beaucoup de minutie. Un soin particulier est apporté à la structuration de l'espace, aux distances entre les objets et/ou les corps, aux vides et aux mouvements. L'espace a souvent besoin d'espace pour respirer. Les éléments sont pauvres et souvent multiples.

L'obsession est de creuser un théâtre qui fait naître du commun, tissé de rêves et d'idées, un théâtre rieur, joueur, attentif, profondément humain et qui dépasse l'humain : un théâtre poétique où le poème fait chair et la chair est poème.