Loan Le Dinh


L'Alizarine (titre provisoire)


En résidence du 03 au 16 janvier


LOAN LEDINH LALIZARINE

Recherche / création - Danse théâtre

Equipe artistique:
Mise scène & interprétation: Loan Le Dinh
Accompagnement artistique: Didier Roux
Direction d'acteur: Laurence Riout


Note d'intention


Tenter de se tenir vivant dans un monde qui s'écroule. Echouer au bonheur. Le vouloir encore. S'accrocher à rien, à tout. Fuir. S'enfuir.

Ce qui m'intéresse, ce sont nos paradoxes. La question qui m'anime depuis quelques années est « comment rester debout dans un monde qui s'écroule ? ». Cela se traduit tour à tour par l'espoir d'un autre monde, le désespoir de le voir s'effondrer sous nos yeux, l'envie du présent et l'impossibilité d'envisager un futur. Selon les jours, la mort est tour à tour enviée et crainte. Enviée lorsque la sensation de l'absurdité du monde devient tellement grande que je pourrais lui préférer la mort. Crainte lorsque le présent se rappelle à moi, immense et plein, dans le regard d'un enfant, dans la mort d'un proche, dans un baiser amoureux, dans une main amie, dans les solidarités de tous les jours.

Il y a aussi le souvenir, ce que nous avons vécu, traversé, l'histoire dont nous avons hérité mais aussi l'Histoire dont nous héritons. Je m'intéresse ici à la perte, l'oubli, aux choix.

Ce rapport à la mort, à la vie, au souvenir, me fait aussi m'intéresser à la relation que chacun peut entretenir avec l'espoir, la croyance, le rituel. Ce à quoi nous nous raccrochons pour tenir le cap, parce qu'il faut bien vivre quand on est vivant.

Je cherche ici à rendre sensible les orages contraires qui nous animent. C'est un solo.


Le travail chorégraphique


Mon écriture mêle des gestes du quotidien, d'autres plus abstraits, de la danse, des déplacements. J'inclue aussi la voix. Elle peut venir en son pur, bruits de gorges, ou alors en mot, pour former quelque chose qui se dit, parole jetée au plateau comme on ponctuerait une pensée. Le son est traité ici comme un mouvement et fait parti intégrante du travail de corps.

Le travail est rythmique mais aussi organique. J'écris pour que le corps puisse passer d'une chose à l'autre, pour qu'il puisse dire lui aussi. Dire son passé, son histoire, ses espoirs et ses désenchantements. Des fois il parle simplement, des fois il est contraint, souvent, par l'impossibilité de savoir retranscrire les orages. Mais à chaque fois, tenter de dire.


(( Extrait de note chorégraphique ))
mains sur genoux « frap frap frap » – TEMPS coup de tête - zyeutage DroiteGauche translation « pffouuuuuu » comme un fantôme ----- douceur, yeux fermés, lente avancée diago, le souvenir du baiser chute sur les genoux – chercher frénétiquement avec les mains, sur soi, autour de soir, à terre

Il y a aussi l'utilisation du grotesque. Le visage et tout le corps peuvent être déformé, le postures seront caricaturées. Je vois dans le grotesque la possibilité de rendre compte du trop, de pouvoir témoigner des paradoxes qui nous animent jusqu'à leur paroxysme.

« le grotesque apporte moins la catharsis que la confrmation de l'instabilité de tout » Véronique Klauber


Les textes, le choix d'Emily Dickinson


Dès la découverte de l' écriture d'Emily Dickinson, j'ai été happé par le rythme et cette relation presque charnelle qu'elle peut entretenir avec la mort dans certains écrits. De plus, on peut retrouver dans son œuvre une relation au religieux, avec l'Evangile, ainsi que ce « continent inexploré » que sont l'intellect et l'esprit.

Très vite, j'ai lu à voix haute, car cela me semblait être plus juste. Je ne cherche pas (ou peut-être pas encore) à savoir exactement où cela me touche, mais je sais que cela me touche intimement, et cela me sufft pour commencer.

Je choisis de travailler en anglais et en français car les deux langues n'ouvrent pas le même imaginaire. L'utilisation d'une langue étrangère me permet d'ouvrir un champs plus onirique. Le timbre de voix n'est pas placé au même endroit en anglais qu'en français, le rythme n'est pas le même dans les traductions. L'anglais donne une dimension intemporelle, presque comme perdu dans l'espace-temps. C'est en tout cas comme ça que je traite cette langue.

Le français me paraît important pour pouvoir dire et être entendue de tous. Mais aussi parce qu'en regard d'une langue étrangère, il ramène au présent, fait offce de point d'attache. Le passage d'une langue à l'autre me permet aussi de jouer avec les différents états, la transformation.

Des textes de Marcelle Delpastre, poéte limousine, viennent aussi nourrir mon travail en précisant le rapport entre le souvenir, l'espoir et la croyance.

Le texte pourra être tour à tour récit, parole interne, parole adressée, son-mouvement, ou juste un prétexte à une nouvelle mélodie. L'enjeu est de trouver un fl rouge, une relation organique entre les textes qui seront choisis pour qu'ils forment un tout, parole de mots et de corps.