ECRIRE AU PLATEAU // programme



Dirigé par Lise Avignon et Didier Roux



Présentation du stage



Le travail que nous proposons se situe en amont du texte, du personnage, de la situation, et propose aux acteurs des outils et exercices liés à la notion d'improvisation non-narrative. Il s'agit de s'exercer à « écrire en direct », en d'autres termes à inventer, sans idées préalables, à même le plateau, un langage scénique sensible – musique d'espace, paysage-mouvement, poème de chair.
La poésie est au cœur de nos recherches. Poésie, cela veut dire inventer ; inventer une langue qui traduise notre rapport au monde et à nous-mêmes. Ici, la langue est de mots mais aussi d'espace, de corps, de rythme et d'action.

Le travail s'articule selon deux axes majeurs :
- le « Déplacement d'objets » : composition d'actions, d'espace et de rythme, travail essentiellement choral ;
- le «  Laisser dire » : soliloques, paroles improvisées, travail d'abord solitaire.
Ces deux axes sont tout à la fois des disciplines à part entière, demandant un temps d'appréhension et un entraînement spécifique, mais aussi des disciplines complémentaires permettant, une fois réunies, d'aller vers un engagement très entier alliant organicité et parole, ouverture à l'espace-temps commun et engagement intime, solitude et choralité.


« Déplacement d'objets » // direction Didier Roux



A la base, une série d'actions simples écrites à l'infinitif : marcher, s'asseoir, prendre, donner, étreindre, être immobile... Nous travaillons avec sur plateau nu, à plusieurs, en lien mais autonomes, seuls ensembles. Ce que nous affinons par là, c'est une sensibilité rythmique et spatiale : ce que je fais importe moins que quand, où, et comment je le fais. L'acteur travaille son sens de l'espace et du temps, mais bien aussi sa présence et son engagement, sa capacité à investir une action sans justification.

Notions en jeu :
- être précis et simple ; ne faire que ce que l'on fait, une chose à la fois ;
- percevoir les paramètres spatiaux et rythmiques de ce que l'on propose ;
- affiner la concordance entre son temps propre et le temps commun ;
- appréhender ses actions de manière musicale : faire durer / faire évoluer / rompre / suivre ce qui se métamorphose / amplifier / lier / syncoper / commencer / finir (…) ;
- s'approprier des outils pour composer à plusieurs : gémellité, contrepoint, être au service de, prendre le lied (…) ;
- distinguer souci d'originalité et singularité ;
- percevoir que l'abandon de l'ego n'est pas incompatible avec l'engagement de son imaginaire.

Comment être au plus près de soi mais au plus loin de toute identité, vide mais très peuplé, comment habiter une action dénuée de psychologie, comment le gratuit peut-il être nécessaire... autant de questions qui seront appréhendées à travers des consignes précises, dans un rapport à l'art basé plus sur l'artisanat que sur l'inspiration.


« Laisser dire » // direction Lise Avignon



Parler est une action au statut particulier, qui ne s'appréhende pas exactement comme les actions purement physiques et est porteuse d'une puissance qui modifie sensiblement l'équilibre du plateau. C'est pourquoi nous la travaillerons d'abord à part. Ce que nous nommons « Laisser dire », c'est une manière de chercher là où la chair et les mots sont liés en creusant à la croisée de l'écriture et de l'art de l'acteur.

Avant même les mots formulés, il y a toute une vie intérieure, pensées, bribes de langage, images et sensations. Le travail sera d'accéder à cette vie-là et de s'y sourcer pour produire du texte. A partir de soi, dans l'instant, laisser advenir une parole libre, mouvante, mais néanmoins structurée et dotée de sens. Travailler en laissant place à l'inconnu de ce que l'on cherche et à la zone obscure mais puissante de la libido - au sens « pulsion de vie ». S'entraîner à rendre cela lisible, c'est à dire être capable de conscientiser, guider et structurer les formes que prend cette parole en train de s'inventer.

Ce qui donne tout son sens à cette pratique c'est son lien avec la littérature : l'objectif c'est l'écriture et l'invention, la poésie. Dans ce travail, la possibilité de la poésie vient parce qu'on laisse de la place à ce qui ne sait pas se dire, que l'on se confronte à ce qui dans le langage échoue et que l'on trouve des façons d'apprivoiser cet échec. Du point de vue de l'acteur, cette pratique conduit à déceler ce qui dans sa propre parole est susceptible de « faire texte ». Du cœur de son intime et archaïque nécessité de parler et d'être entendu, se mettre en quête de ce qui va ouvrir sur un geste artistique, dont la portée dépasse la sphère privée.


Au fil du stage nous mettrons en commun ces deux disciplines.
Tout ceci – espace, rythme, actions, paroles – constituant la base d'un langage de plateau, nous verrons comment peuvent s'écrire, au présent vivant, des moments de théâtre. Ce que nous vous proposons de partager, c'est une manière concrète de rêver un théâtre « qui ne serait point théâtre de la signification » mais « théâtre des forces, des intensités, des pulsions dans leur présence » (J.F. Lyotard).



>> "Ecrire au plateau" - processus & moyens pédagogiques